La Com’ d’après ? Monique ElGrichi, DG Mosaïk: « La communication et les médias sont au cœur des défis de la sortie de crise Covid »

Le Media : Les leçons de la crise Covid ?

Tout d’abord, cette crise aussi subite et exceptionnelle nous a démontré que rien n’est jamais acquis, que tout peut arriver et que, dans notre monde globalisé et ultra connecté, tout va très vite. La première qualité d’un communiquant, plus que jamais, doit être l’agilité, c’est à dire la capacité à s’adapter, à comprendre les attentes des publics auxquels il s’adresse, à bien analyser les tendances dans ce contexte Covid. L’autre enseignement qu’on peut en tirer est que la pire des réactions est l’attentisme. Tout le challenge est de savoir aller de l’avant, de chercher les opportunités derrière la crise, alors que tout nous pousserait à rentrer dans notre coquille pour attendre des jours meilleurs…

Notre métier est plus important que jamais dans ces temps d’incertitude avec cette capacité que nous avons à créer du lien entre le monde économique, les entreprises et les marques que nous accompagnons et les citoyens. L’expérience nous montre que pour se protéger demain, il faut maintenir un niveau juste d’investissement en communication, nourrir sa marque, alimenter sa promesse, garder le contact avec l’ensemble des parties prenantes des entreprises : les collaborateurs , les clients, la force de vente, les relais d’opinion, l’écosystème dans lequel chaque entreprise évolue… Enfin, je dirais que, comme face à une maladie, c’est le mental qui prime. La période exige de nous, au sein de nos agences, un très bon état d’esprit, une plus grande mobilisation, de la positivité, de la créativité, de la solidarité et encore plus d’engagement.

Les tendances…

Il est devenu dangereux pour les entreprises de mal comprendre les tendances de la société. Cette crise a agi comme un révélateur de tendances, que pour certaines nous percevions clairement chez Mosaïk depuis un moment, et qu’on peut résumer dans le crédo : «Egalité, authenticité, utilité». Pour l’exigence d’égalité, la relation des consommateurs avec les marques avait déjà beaucoup évolué dans le sens d’une relation adulte, bilatérale et d’égal à égal. Les consommateurs veulent aussi de l’authenticité (no bullshit !). Ils veulent entendre des histoires sincères, qu’ils peuvent comprendre et partager, et qui suscitent de vraies émotions. Pour ce qui concerne l’utilité, plus que jamais, les citoyens attendent des actes de la part des entreprises et qu’elles démontrent leur impact concret sur l’amélioration de nos vies et de notre environnement.

Les plans de communication doivent se bâtir, aujourd’hui plus que jamais, sur la raison d’être des entreprises, l’expression de leur mission d’intérêt général. D’où la nécessité d’une très grande cohérence entre les communications corporate, commerciale, interne, etc. Le monde est à un tournant, la crise sanitaire a accéléré les prises de conscience. Une fois de plus, notre mission de communicant, est de convaincre nos clients d’intégrer cette nouvelle donne. C’est une véritable évolution…

La communication post-Covid

La priorité est de résister, collectivement, à la crise économique qui est déjà là et va s’amplifier. Les gens sont inquiets, cette anxiété pèse sur la demande, or la reprise n’aura pas lieu si la demande est en berne. La communication et le marketing sont des leviers de stimulation essentiels de la relance. La communication doit être au cœur de la stratégie de l’entreprise. L’entreprise et les marques doivent avoir des stratégies de communication à long terme porteuse de sens et nous devrons l’appréhender en construisant sur de nouveaux paradigmes. La communication ne pourra être un outil de progrès que si les marques se comportent en acteur de ce qu’on appelle «le mieux commun», en veillant à mieux intégrer les considérations environnementales et sociétales, la création de valeur locale et les spécificités culturelles de notre Maroc, fondées sur la solidarité et le vivre ensemble, mais pas que…

Nous devons saisir cette crise comme une opportunité pour bâtir un nouveau modèle de société, si nous ne voulons pas qu’une autre crise notamment sociale vienne s’y rajouter ! Dernière chose que je voudrais ajouter dans cette projection sur le court, moyen terme, c’est le vœu que je fais pour un «new deal médiatique». Certes, la crise a démontré, s’il fallait encore le prouver, le rôle incontournable du canal digital, mais j’appelle les annonceurs et l’ensemble des professionnels à une réflexion sur l’importance vitale des grands médias… presse, radio, et télévision. Ce serait un signal fort envoyé à un secteur qui a montré son importance durant cette période où les fake news ont été légion. La presse marocaine a montré sa mobilisation et a pris des risques, ce qu’on oublie souvent, pour nous maintenir informés. La radio et la télévision ont atteint des parts d’audience jamais égalées et ont démontré leur caractère d’utilité publique. Ces médias vont continuer à jouer un rôle clé pour dynamiser la reprise à venir. Nous devons les soutenir.

Concernant le digital, attention au risque de fracture numérique. Ceux qui n’y ont pas accès, par manque de moyens ou de connaissance, se retrouvent marginalisés et cela accentue les inégalités sociales et générationnelles. Un mot sur l’événementiel, le grand «oublié» de cette crise qui n’a bénéficié d’aucun soutien. Il a contribué fortement à l’image internationale de notre pays avec de grands succès comme la COP22, les festivals… Il représente un secteur vital pour des raisons économiques mais aussi sociales et culturelles. Les gens sont avant tout des êtres sociables et rien ne peut remplacer la rencontre physique… En somme, communication et médias sont bien au cœur des défis de la sortie de crise et de l’avenir. Nous avons encore beaucoup de boulot pour convaincre les Marocains de l’utilité des entreprises, des marques et des produits. N’oublions jamais qu’une bonne communication c’est aussi beaucoup de pédagogie, surtout en ces moments d’incertitude. Mais tout finira par rentrer dans l’ordre et ceux qui n’auront pas pris de bonnes décisions disparaitront malheureusement…

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